Pour sauver la vie et l'amour: par amour donner sa vie!
Le martyre de Santa Scorese - I

Père Daniel Ange
[publié dans la révue "Spes Nostra", n.3 - 2001]

Premiers de cordéeDes yeux pour faire existerGuidée par un père, entourée de frère
Comme Marie, livrer son coeur au Seigneur"Assaillie par le doute, je te choisis à nouveau!"
Toujours prête à choisir Dieu – L’heure finale – Ce cris du sang pour la gloire de Dieu

Ces premiers de cordée sur les cimes du courage

Dans le gigantesque combat pour sauver la vie et donc protéger l'amour, personne ne nous donne autant de courage que ceux qui ont, par amour, donnés leur vie. Les martyrs contemporains ayant poussé l'amour jusqu'au bout en versant le sang pour cette cause, sont en vérité nos premiers de cordée.

Ils transfusent en nous leur courage, leur enthousiasme, leur intrépidité. Et Dieu sait si nous en avons un besoin urgent, en ces temps de découragement, de lassitude, - si ce n'est de désespoir - devant l'anesthésie générale d'une société chloroformée.

La plus connue des martyres pour la cause de la vie est Gianna Beretta Molla, préférant ­avec l'accord de son époux- perdre sa vie sur terre, plutôt que de supprimer celle de son quatrième enfant. Jean-Paul II l'a béatifiée devant son mari et ses enfants, le 24 avril 1994.

Santa Scorese
(1968-1991)

Mais on a moins parlé de toutes les Maria Goretti de notre temps qu'il nous a déjà béatifiées: Karolina Kozka de Pologne, Anwarita du Zaïre, Pierina Morosini et Antonina Mesina d'Italie. La dernière en date : Teresa Bracco (morte en 1944) à Turin, beatifiée en Mai 1998.

Ces quelques noms forment l'émergence d'un iceberg. Elles ne se comptent plus, les victimes de l'omniprésente et obsédante violence sexuelle. Pas un mois ou même pas une semaine ne se passe sans que quelque part, surtout dans nos sociétés occidentales, une fille (et ce sera bientôt le tour des garçons) ne préfère être tuée que violée, perdre la vie que sa virginité.

Je pense entre tant d'autres à la petite Maria Dos Santos, si dévouée au service des malades, massacrée à Lourdes en Février 1990, l'année même où à Tarbes était tué le Père Jean-Luc Cabbes . Emergeant de cette légion-lumière un visage rayonnant : Santa (son prénom, non encore son titre) Scorese. Le 16 mars 1991 elle s'effondre dans son sang sous les 13 coups de couteaux de son agresseur. Elle a 23 ans.

Des mains pour soigner, des yeux pour faire exister

Qui donc est-elle? Comment à-t-elle vécue? Car ce n'est pas seulement son martyre qui est exemplaire, mais aussi toute une vie aussi brève soit-elle, la préparant au don suprême de sa vie. Le 6 février 1968 elle "vient à la lumière" (expression italienne pour la naissance) à Bari. (13 ans plus tard, 1981, ce sera la naissance au ciel de Marthe Robin).

Elle vit à Bari avec ses parents et sa soeur aînée. Au lycée comme à la fac de pédagogie, elle frappe déjà ses camarades par sa droiture, sa franchise, son refus absolu de compromission avec le mal et le péché. " Rien d'apparemment exceptionnel ou de particulièrement intéressant en elle, si ce n'est sa forte personnalité ". Elle avait ses idées et y croyait fortement. Elle les déclarait ouvertement, sans craindre la confrontation.

"Elle n'hésitait pas à manifester ses convictions religieuses auxquelles elle était profondément attachée" (un groupe de camarades). Dans son milieu scolaire, puis étudiant, elle n'a donc pas peur de témoigner, non sans courage parfois. Pas question pour elle de mettre son drapeau en poche. Encore moins de rougir de sa Foi. Elle en est heureuse, et fière. Elle sait rendre compte de l'espérance qui l'habite. Elle n'a pas peur de discuter, d'expliquer moins pour convaincre l'autre que pour l'éclairer.

Cela passe d'autant plus facilement qu'elle est toujours gaie, type boute-en-train, ou plutôt entraînante, en un mot : radieuse. Genre Claire de Castelbajac. Comme pour une Catherine de Sienne, le Seigneur se sert moins de son charme féminin naturel que de cette lumière d'intérieur qui peu à peu irradie son visage : sa beauté " charnelle " se transfigurant lentement en beauté divine. Au fur et à mesure qu'elle s'intériorise en Dieu, beauté au-delà de toute beauté.

Très tôt elle est saisie par la souffrance, attirée irrésistiblement par malades, et marginaux. A 15 ans, la voilà secouriste à la Croix Rouge. "Aujourd'hui nous sommes allés à l'hôpital. Je me suis rendu compte dans quelle solitude on y vit.". Un homme agressif envers tous s'est mis à pleurer dans ses bras et lui confie son histoire et ses problèmes. Spontanément elle attire la confiance, suscite les confidences.

Roberta témoigne: "Dans un orphelinat, elle embrasse un enfant avec de gros problèmes psychiques qui jamais ne souriait, et finalement réussit à le faire sourire. Elle en était heureuse comme si elle avait vaincu le malin. "C'est Jésus qui sourit ", me dit-elle convaincue". A Palo del Colle, où elle déménage en 1997, elle soignera des enfants atteints de poliomélite ou de dystrophie musculaire.

Par ailleurs, elle se dépense sans compter au centre de la paroisse, donne la catéchèse aux enfants, chante dans la chorale, fait partie du conseil pastoral. Spontanément, les personnes en difficulté viennent se confier à cette douce jeune fille, toujours disponible, avec une capacité étonnante d'écoute et de sympathie. Entre autres un couple ayant de gros problèmes économiques.

Son peu d'argent de poche est donné sans compter, et sans que personne ne s'en doute. N'est-ce pas pour mieux servir, qu'elle finit par choisir des études de pédagogie, quoiqu'il lui en coûte : "Je suis fatiguée! Même si je fais l'effort de voir dans les études la volonté de Dieu, il m'est très difficile de le saisir ainsi. Je sens que je veux être utile aux autres, je ne peux pas dépenser tant de temps maintenant et encore des années entières aux études. Je sens l'exigence, toute de suite, de faire cette expérience humaine et spirituelle". (10 janvier 1988)

Guiseppe (Joseph), ami du lycée : "C'était une personne libre, d'une liberté vraie qu'elle laissait transparaître ". D'emblée on se sentait aimé, estimé, sans mesure. Elle porte sur chacun un regard qui voit toujours le meilleur et le plus beau. Qui voit chacun dans sa croissance et déjà son avenir. Bref, un regard prophétique, un regard qui fait exister.

Être guidée par un père, entourée de frères: quelle force!

Tout cela elle ne peut le vivre toute seule. Au Royaume de Dieu, elle éprouve le besoin de travailler avec d'autres. Elle s'engage donc dans les Focolari, comme "Gen" de Bari, et fréquente assidûment les "Missionnaires de l'Immaculée – P.Kolbe". Elle participe activement à leurs journées de prière et régulièrement monte jusqu'à Bologne pour stages de formation et retraites.

C'est sûrement Saint Maximilien Kolbe, à travers cette famille spirituelle, qui lui communique quelque chose de sa tendresse folle pour la Vierge Marie, qui est une des caractéristiques les plus frappantes de sa vie dans l'Esprit.

Elle choisit comme Père spirituel, le franciscain Luigi Faccenta, fondateur de l'Institut. "Je suis contente de toutes les personnes que Dieu m'a fait rencontrer. Ce soir pourtant, je veux rendre grâces pour un autre super-don qu'il m'a faite : un Père vraiment un homme de Dieu. (…) Merci Jésus, parce que tu ne me laisses pas seule et tu mets sur ma route des personnes tellement précieuses".

S.Maximilien Marie Kolbe, dont la spiritualité a été très importante pour Santa Scorese.

Elle éprouve aussi régulièrement le besoin de solitude, pour se ressourcer dans le coeur de Dieu. "Je suis aride, je me sens au désert, mais je sens que le Seigneur parle à mon coeur. Mais pour l'écouter,. je dois vivre la croix et cela me coûte, Jésus ".

Et ce mot tellement fort : "Cela peut sembler étrange, mais je sens que Marie est tellement une partie de ma vie que si quelqu'un parle contre Elle, il me fait mal." C'est Elle qui lui donne un sens si aigu de la pureté, un émerveillement devant la beauté de la Virginité. Elle ne tolère pas la moindre suspicion portée sur celle de Marie. Elle réagit au quart de tour: "Comment est-ce possible de dire que Marie n'éait pas vierge et dire que ce dogme est pour des déficients mentaux? Je comprends que la raison, la science te donne les preuves que ce n'est pas possible, mais je crois que Marie n'est pas une personne comme nous".

C'est le mystère de Dieu se faisant petit enfant dans le sein d'une femme qui lui donne ce sens aigu de la splendeur de la vie naissante à défendre à tout prix. "C'est une terrible erreur d'affirmer que le Pape devrait penser à ses propres affaires plutôt que de parler dans son encyclique de génétique. Je pose la question: "Si Jésus serait aujourd'hui parmi nous, ne devrait-il pas affronter ces mêmes problèmes? Je vois que le Pape est son vicaire sur la terre, pourquoi ne devrait-il pas nous éclairer? Aujourd'hui je sens que je ne puis rester inerte et laisser dire de telles choses, sans que personne ne les réfute " Le courage avec lequel elle défend la virginité de Marie, sera le même avec lequel elle défendra bientôt sa propre virginité.

Comme Marie, livrer les clés de son coeur au Seigneur

Il se créent entre ces deux femmes de fortes connivences. "Je sens que Marie me tient par les bras, mais en même temps qu'elle est la femme forte qui me demande d'être cohérente et de bien vivre, instant par instant, ma vie. En somme, elle est la femme qu'il me plairait d'être, mais que je ne suis pas. Je lui demande la grâce d'au moins lui ressembler un peu!".- "En plus de te prendre comme modèle de femme, aide-moi, Mère, à t'imiter, comme modèle de sainteté"

Et encore: "Je veux essayer d'être une petite Marie, car je suis sûre qu'Elle est pour moi compagne, Mère, amie. Vierge Marie, que je sache être prête comme Toi à donner ma vie pour Jésus!" Effectivement, pour lui ressembler elle va se livrer toute entière à son Seigneur. Ou plutôt, elle va laisser Marie l'offrir à son Fils. Cela tout en demeurant en plein monde. .Le 30 décembre 1988, elle a juste 20 ans, elle commence son temps de probation dans l'Institut séculier des "Missionnaires de l'Immaculée-Père Kolbe", tout en poursuivant ses études chez elle. Elle aura un jour ce mot de splendeur: "La chose la plus belle a été de livrer les clés de mon coeur, de mon âme à Jésus."

"Assaillie par le doute, je te choisis à nouveau!"

L'autre pôle de sa vie spirituelle est le mystère de Gethsemani et du Golgotha: "J'ai vu aujourd'hui un visage de Jésus abandonné! Moi-même suis maltraitée et abandonnée par un ami, et je pense subitement à ma douleur. Comme il est difficile de penser que Toi aussi tu as été abandonné ! Combien tu as souffert, quand tu as été délaissé par tes amis et que tu t'es senti loin de ton Père! Toi, dans ces moments, Tu m'a aimée encore plus! Comment alors ne pas T'aimer dans les autres? Je me suis mis subitement à l'oeuvre et ma douleur s'est transformée en amour. C'est vrai, j'en suis sûre: tu enfonces tes racines en moi, et je suis contente de demeurer amoureuse de Toi!"

Comme Thérèse de Lisieux, Santa Scorese a du experimenter l'apparent "silence de Dieu", vrai martyre de la foi.

Il semble qu'elle ait passé par une grande solitude intérieure. Le Seigneur la fait participer à la déréliction de Gethsémani. Comme tant d'entre nous, la voilà violemment tentée de découragement. Le désespoir rôde insidieusement autour d'elle. Le virus du soupçon tente de s'insinuer dans son âme:

"Dans cette période, il y a trop de hauts et de bas! Peut-être suis-je encore trop attachée à des raisonnements humains. Je suis en train de vivre la tentation de me demander si ça vaut la peine vraiment de vouer l'existence entière à un Dieu qu'on ne voit pas et qui, malgré tout, continue à se taire! Il est très beau, mais il est très difficile de le comprendre.
Je sais que ça vaut la peine de donner sa vie pour le Christ; mais je suis envahie par le doute: est-ce bien là le chemin pour ma vie? Si aujourd'hui Jésus était ici, proche de moi, je lui poserai beaucoup de questions, où peut-être pas, je resterai à l'adorer, car il m'a montré qu'il m'aime et qu'il tient à moi. Je me sens vraiment à bout: c'est comme si j'étais en train de combattre, mais je ne sais pas si c'est avec Dieu ou contre les tentations. Il ne me reste qu'à prier!"
(6 juin 1988).

Et quatre mois plus tard : "Vraiment les épreuves ne finissent jamais, au contraire le Seigneur permet qu'elles soient toujours plus grandes afin que j'expériemente toujours plus sa grandeur. Je crois que les épreuves et la grandeur de Dieu sont directement proportionnées" (lettre du 1 octobre 1988).

Heure du grand dépouillement rappelant l'épreuve finale de Thérèse de Lisieux, et son gigantesque combat pour ne pas céder à ce qu'elle appelle les "sifflements de serpents". Ce duel avec le menteur dont elle sortira humblement victorieuse.

Avant d'être martyre de l'intégrité physique et pour pouvoir l'être, Santa, serait-elle - comme sa petite soeur de Lisieux - martyre de l'intégrité de la Foi? Cette Foi qu'il faut héroïquement défendre contre toutes les attaques, et du dehors et du dedans. Cette Foi qu'il faut protéger de tous les virus de suspicion, comme on vient de le voir pour ce chef d'oeuvre de vérité: la conception toute virginale de notre Dieu.

De même que Thérèse ne cédait pas d'un pouce, mais multipliait les actes d'amour (A qui lui susurre: blasphèmes! elle rétorque: je l'aime!), ainsi notre petite Santa, en pleine épreuve se redonne totalement à son Seigneur, cette fois héroïquement: "Viens et suis-moi m'as-tu dit, Seigneur, et moi j'ai répondu. J'ai eu confiance, mais je n'ai pas compris que je devais suivre ta croix, ton abandon, ta souffrance. J'ai cru avoir fait tout ce que je pouvais avec ce oui, mais je me trompais ! Tu m'as demandé de t'aimer jusqu'au bout, jusqu'au Golgotha, et j'ai peur. Seigneur, donne-moi de te choisir chaque jour, chaque minute, comme mon rocher, mon tout. Donne-moi de t'aimer, de faire mourir en moi ma logique, mon envie d'avoir des réponses. Seigneur, même dans la souffrance la plus profonde qui habite mon coeur, je te choisis à nouveau, je te redis mon oui. Je veux m'abandonner, me perdre en Toi. Seigneur, Tu continues chaque jour à m'appeler par mon nom, donne-moi de te rester fidèle".(13 avril 1988).

Mais fidèle, comment le rester jusqu'au bout, sans la présence de sa maman , toujours elle? "Je ne peux rien faire d'autre que de me confier à l'Immaculée et, quand je prie ma consécration, je souligne les mots où j'offre mon coeur, mon âme, mon corps. Peut-être que je n'ai pas assez donné, mais Elle saura accepter même cette pauvreté" (15 octobre 1988).

Elle n'a encore que 20 ans, comme pour Thérèse, rien ne transparaît de ces ténèbres intérieures. Elle paraît toujours aussi gaie, semant la joie de Dieu en tous ceux qui l'approchent. Mais c'est ce chemin de croix, au plus intime d'elle-même qui rapidement la conduit jusqu'à ce Calvaire où le Tout-Aimé lui donne le rendez-vous de l'Amour.

Page suivante

Premiers de cordéeDes yeux pour faire existerGuidée par un père, entourée de frère
Comme Marie, livrer son coeur au Seigneur"Assaillie par le doute, je te choisis à nouveau!"
Toujours prête à choisir Dieu – L’heure finale – Ce cris du sang pour la gloire de Dieu

E-mail: gesunuovo@yahoo.it

Home Page
Santa Scorese

Home Page
"Orizzonti dello Spirito"